Tinardhante où l’Amulette d’un ange gardien.

Prologue.

« Si la Mort t’oublie, tues-la. Se laisser vivre, alors même que plus rien ne te retient ici bas, c’est l’Enfer… »

Ces paroles, je les tiens d’Ellaria, un ange sur qui je veille depuis que nous nous sommes unies aux frontières de ‘la fin de toute chose’ .

Je m’appelle Tinardhante.

Jusqu’à maintenant, je n’étais qu’une chimère, une céleste enfermée dans une amulette, aux pouvoirs immenses, au service d’un maître qui ne me disait jamais ‘merci’, m’assurant de sa sécurité comme si c’était la mienne, car lui, l’Ange Hélénos, Archange de la Maison des Uriel dans une cité où vivaient démons, anges et créatures en tout genre, avait besoin de ma puissance pour se faire respecter. ( Et encore, même à ses côtés, il est arrivé que le respect auquel il avait droit lui soit refusé.)

Nous vivions donc dans cette cité, lui étanchait sa soif de pouvoirs, et moi, je me pliais à toutes les expériences qu’il menait dans un temple obscure avec d’autres anges.

Ce temps-là est révolu.

Je pourrai vous parler de ce qui se passa pendant des centaines et des centaines d’années, jusqu’à aujourd’hui, époque où notre cité fut détruite par les hommes, forçant une majorité d’anges, de démons et de créatures rescapées à vivre parmi eux, je pourrai vous parler de ce qui Les amena à venir détruire nos foyers, je vais le faire, petit à petit. Mieux, je vais vous raconter comment Ellaria, la Guerrière de l’Oubli, la plus grande combattante du monde de Tinardha, et moi, Tinardhante, symbole de puissance de l’Archange Uriel et par là même de tout un peuple, avons été amenées à nous unir, alors que rien ne nous prédestinait à vivre liées l’une à l’autre.

Elle, et moi, sommes le fruit de la seule véritable erreur que commit Uriel dans toute sa brillantissime et interminable vie.

Cet ange plus impitoyable que le pire des démons, a faillit il y a quinze ans, et aujourd’hui, les aléas de la vie m’ont menée à maintenir en vie une jeune Ange autrefois métisse qui est parvenue à mettre en échec un Archange souhaitant sa perte.

J’entends le bip significatif de l’électrocardiogramme relié au corps de ma Maîtresse et lentement j’étend mon corps de Tigresse au travers du sien, empêchant son faible cœur de cesser de battre, une fois de plus.

Le jeune soldat qui m’observe autant que le corps dénudé d’Ellaria, étendue sur une vulgaire plaque en métal, tressaille et sort précipitamment.

A ses yeux, je ne suis qu’un tatouage imposant représentant un tigre blanc aux yeux verts, qui bouge tout seul sur l’épiderme pâle et meurtri d’une gamine de quinze ans plongée dans un profond coma.

Les soldats qui nous ont trouvées ont préféré attacher ses poignets et ses chevilles. Depuis quelques semaines, il se passe d’étranges phénomènes dans le laboratoire militaire, qu’ils mettent sur le dos de ma Maîtresse, alors que son état lui permet à peine d’inhaler l’air fournit par un masque à oxygène.

Dans un ‘poc’ significatif, l’auteur des « phénomènes » apparaît dans la main mi-close de la jeune fille. C’est moi qui l’ai fait venir, cette petite hermine aux yeux rouges et aux dents pointues qui fixe mes prunelles vertes et luisantes, attendant le mot d’ordre qui lui permettra de mettre le laboratoire à sac, retardant encore pour quelques jours les médecins voulant faire des expériences sur ma Maîtresse.

More, le rongeur sur pattes, enfouit longuement son petit museau rose dans la masse de cheveux sombres d’Ellaria qui pendent à moitié dans le vide.

Lui aussi, est une chimère, moins puissante que moi, rien de comparable en fait. Lui aussi, a décidé de se lier à cette Ange, et l’aime au point de se manifester sans qu’elle le décide, puisqu’elle en est présentement incapable. C’est une autre histoire qui les lie…

Je lui donne le feu vert, et le voilà qui bondit de la table métallique et va grignoter les fils pendouillant derrière ces drôles de machines. Puis, pris d’une folie de destruction massive, il se met à courir dans tous les sens, heurtant les écrans d’ordinateurs qui explosent en une gerbe d’étincelles, faisant fondre et se tordre les ustensiles à torture, les pinces, les miroirs, les seringues et les flacons de sérums.

La caméra grésille, je viens de la mettre hors service.

Au bout d’une petite heure, il ne reste rien d’utilisable, sauf la machine qui procure à ma Maîtresse l’air qu’elle respire. Satisfaite de son œuvre, la petite et douce hermine éternellement blanche disparaît après que nous ayons échangé un autre regard entendu Demain-même-endroit-même-heure.

 

Il est maintenant possible que vous vous posiez beaucoup de questions. Comment une Ange suffisamment puissante pour mettre mon ancien Maître KO, a pu se retrouver dans un profond coma, enfermée dans un laboratoire militaire ?

Comment une guerrière, combattant à l’épée, au sabre, invoquant des chimères et portant une céleste sur son corps, s’est-elle retrouvée dans une époque gérée par les ordinateurs et la robotique ?

Comment un esprit indomptable et fort a t-il pu se mettre à la merci d’une horde de soldats et de médecins sans scrupules ?

C’est ce que je m’efforcerai de vous raconter, pour pouvoir y croire moi-même. Pour trouver une solution et sortir cette Ange du guêpier blanc aseptisé dans lequel nous nous trouvons présentement.